Administrateur général des données : rencontre avec Henri Verdier


La France vient de se doter, par le décret du 16 septembre 2014, d’un administrateur général des données (AGD – en anglais « chief data officer »). C’est la première fois en Europe qu’une telle fonction est créée au niveau national. Placée sous l’autorité du Premier ministre, au sein du secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP), cette nouvelle mission est confiée à Henri Verdier, directeur d’Etalab, la mission du SGMAP chargée de l’ouverture des données publiques (lire l’arrêté de nomination).
Lire aussi Rapport de l’administrateur général des données : rencontre avec Henri Verdier

Partager

Vous venez d’être nommé administrateur général des données (AGD). En quoi consistent vos missions ?

Henri Verdier. La mission première de l’administrateur général des données vise à bâtir progressivement une véritable gouvernance de la donnée au sein de l’Etat. Chaque service produit une masse croissante de données, et il n’a pas toujours été facile d’assurer leur homogénéité, leur bonne circulation, et leur pleine utilisation dans les différentes missions de service public. Je pense par exemple à la difficulté de faire bénéficier les collectivités locales des données produites par les services déconcentrés, qui ne leur parviennent que tardivement et après agrégation.

La mission de l’administrateur général des données conduira donc à améliorer - en coopération avec la DISIC et les administrations - les données que nous produisons, leurs formats et leur interopérabilité, avec pour objectifs d’en faciliter l’agrégation, la circulation au sein de l’administration, l’exploitation et la réutilisation notamment par les chercheurs ou les entreprises. Certaines de ces données ont par ailleurs vocation à être publiées en open data, c’est-à-dire en données ouvertes.

Son rôle consiste également à stimuler l’appropriation par l’Etat des méthodes de l’analyse prédictive et des stratégies fondées sur la donnée. Les nouveaux outils numériques et les données massives désormais accessibles permettent de mieux définir une politique publique et d’en améliorer le pilotage et l’efficacité ; les exemples en sont de plus en plus nombreux, en France et à travers le monde.

La fonction d’administrateur général des données permet de tirer tout le potentiel du SGMAP, en associant différentes dimensions de la transformation numérique de l’Etat.

Qu’apporte cette fonction à la démarche d’ouverture des données publiques en France ?

Henri Verdier. Cette nouvelle fonction, même si elle est aujourd’hui attribuée au directeur de la mission Etalab, n’est pas forcément liée à la mission d’ouverture des données publiques. Elle se situe d’une part en amont de cette démarche, en permettant de travailler sur les données disponibles dans l’Etat - notamment dans l’informatique de gestion - et d’essayer d’en améliorer la pertinence, la circulation et la gouvernance. Elle se situe d’autre part en aval, en essayant d’accompagner l’appropriation par l’Etat lui-même de ces données et de leur potentiel.

C’est aussi une fonction qui permet de tirer tout le potentiel du SGMAP, en associant différentes dimensions de la transformation numérique de l’Etat : la stratégie technologique des systèmes d’information, l’innovation de service, l’évaluation des politiques publiques. Dans toutes ces composantes, la maîtrise des données, la maîtrise des nouvelles approches comme le big data, la connaissance des nouvelles méthodes de travail sur les données sont de plus en plus centrales.

La démarche d’open data française, pour sa part, s’enrichira considérablement de ces compétences. Elle a déjà bénéficié du fait d’être adossée à une véritable culture du développement opérationnel, qui a permis la conception rapide du nouveau data.gouv.fr mais aussi le développement de projets comme openfisca.fr. Elle a également bénéficié d’une culture du travail avec les écosystèmes, qui a fait naître un projet comme BANO, la base d’adresses nationale ouverte. Enfin, elle va continuer de s’enrichir en s’appuyant sur des équipes qui utiliseront elles-mêmes les données et seront plus affutées encore quand il s’agira de rechercher des données importantes ou de travailler à leur mise en forme.

La France est - à ma connaissance - le premier pays à créer cette fonction au niveau d’un Etat. Quelles seront vos priorités en tant qu’administrateur général des données dans les mois à venir ?

Henri Verdier. Nous allons prendre le temps d’élaborer une stratégie d’ensemble cohérente et partagée. Car nous avons affaire là à une double innovation : non seulement la fonction d’administrateur général des données est extrêmement récente, mais la France est de plus - à ma connaissance - le premier pays à créer cette fonction au niveau d’un Etat ; elle existait jusque-là dans quelques centaines d’entreprises, essentiellement aux Etats-Unis, et dans quelques dizaines de grandes villes, américaines également.

Néanmoins, sans attendre la stratégie définitive, nous allons immédiatement commencer à faire émerger de nouvelles problématiques et de nouvelles données en provenance des administrations, et à bâtir de nouvelles relations entre ces administrations et les talents disponibles dans l’écosystème des startups et dans le monde académique. Nous allons également créer très rapidement une petite cellule de « datascientists » qui se penchera sur différents problèmes d’évaluation ou de pilotage des politiques publiques.